Axelle Rioult
Dans ses «Lisières» Axelle Rioult nous livre une approche originale de menus objets dérisoires, de débris même, qui peuplent notre environnement immédiat. Une façon intime de porter son regard sans véritable contrôle sur des choses dénuées d’importance, sous des angles surprenants qui suggèrent une conduite inhabituelle du corps. Il s’ensuit des questions informulées mais bien présentes sur la solitude, le renoncement, le désœuvrement, l’ennui… mais aussi sur le rêve, la curiosité, l’émerveillement, la surprise, la beauté omniprésente…Instants de silences et de contemplation… Axelle Rioult vit à Louvigny dans le Calvados. Ses travaux la conduisent dans de nombreux pays à travers le monde.
Michèle Le Braz
Les Silences de la Terre
Pendant de nombreuses années, je suis allée à la rencontre de la solitude et du silence sur la côte nord du Finistère. Silence antique des hameaux, silence granitique de la ferme ancestrale, silence atavique des paysans souvent célibataires malgré eux. Solitude d’une petite communauté qui se réduisait alors, peu à peu, comme peau de chagrin. Beaucoup de ces paysans se méfiaient de l’intérêt que je leur portais et se protégeaient de ma curiosité par un lourd silence. Comment et pourquoi s’intéresser à eux … eux que la société avait de tout temps laissés-pour-compte ? au fil du temps, je découvrais des êtres humains sincères et vrais, totalement libérés de l’illusion des apparences, étrangers au monde du culte de l’image, de l’ego et de l’autosatisfaction. Ils se présentaient avec sérieux et honnêteté devant le présent comme devant le passé, devant l’objectif comme devant le labeur. J’ai approché nombre de paysans, des actifs et des retraités, des paisibles et des inquiets, des résignés et des révoltés. Ce qui les réunissait tous était le sentiment du devoir accompli, la réalisation d’un rêve d’enfant. Et qui, au crépuscule de leur vie, lorsque le désœuvrement les amenait sur le chemin hasardeux de la mélancolie, persistaient à rester debout et stoïques comme les vieux chevaux de trait.
Michèle Le Braz, mai 2017
John Batho
«Derrière un verre embué, des personnes posent sur un fond blanc. Leurs silhouettes se fraient un passage entre entre opacité et transparence. Elles apparaissent comme convoquées depuis un temps lointain. Leurs silhouettes, par leurs présences ténues, à demi effacées, incarnent une identité à la fois individuelle et universelle.» (J.Batho)
Né en 1939 en Normandie, John Batho se consacre à la photographie à partir de 1961. À une époque où prédomine le noir et blanc, il concentre ses recherches sur les qualités plastiques de la couleur, sur sa capacité à surprendre la perception. Représentés à partir de 1977 par la galerie Zabriskie à Paris et à New York, ses travaux vont connaître une diffusion internationale. Parallèlement à sa production artistique, John Batho a mené une activité d’enseignant : comme chargé de cours à l’Université de Paris VIII de 1983 à 1990, puis comme professeur des Écoles Nationales Supérieures d’Art jusqu’en 2001. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées, en France et à l’étranger.
VARIATIONS POUR UNE PLAGE
J’ai commencé à photographier les parasols de Deauville en 1977. Je m’intéressais alors aux lieux emblématiques de la couleur, là où elle est incarnée dans la matière et la forme, là où son évidence et son rôle s’imposent. Je ne pensais pas poursuivre cette recherche sur la plage de Deauville aussi longtemps, mais le sujet, dans sa simplicité, possède une grande variété d’aspects, oblige à la sérialité et surtout interroge la manière dont le regard se construit, évolue. C’est la raison de ces retours saisonniers. Plutôt que de dresser le « portrait » des parasols, je me suis intéressé à l’agencement des formes, au voisinage inattendu des couleurs, à leur intensité, ou à la délicatesse des teintes, au grain et au froissé des toiles.
[…] Parfois, mes visites furent décevantes : la lumière, le ciel, l’heure, l’attention n’étant pas là. Il m’a fallu revenir, choisir au mieux les heures, prévoir la lumière, insister, reprendre le thème, saisir l’inattendu, l’éphémère, l’aléa, produire le ressassement où selon Eric Satie, l’essentiel se trouverait caché. Par l’attachement porté au motif, il me semble avoir été à l’écoute d’une partition, d’une musique pour les yeux, à inscrire ainsi, à partir du fait visuel, usant de la variation des formes et des surfaces, des matières et des tons, des distances, des espaces et des rythmes, inspirés par le paysage singulier de la plage de couleurs.
John Batho